Nous vivons dans un monde où beaucoup de nos décisions sont encore fondées sur la peur : peur de manquer de ce dont nous avons besoin pour vivre, peur de la perception des autres, d'être jugé par les autres, peur de la maladie, peur de perdre notre emploi, peur de l'avenir, peur de la mort, peur de l'échec, peur de la réussite, peur d'être volé.e, peur de manquer d’argent, peur pour nos enfants, peur d'être trahi.e, rejeté.e, humilié.e, abandonné.e... et la liste pourrait s'allonger encore.
Qui n'a jamais éprouvé au moins une fois l'une de ces peurs ?
Personne.
Certaines sont plus développées que d'autres et chaque individu est différent, mais la peur est une partie intrinsèque de chaque être humain, que cela nous plaise ou non. Et il faut un travail rigoureux et délibéré pour d'abord élargir notre conscience intime de nos propres peurs pour ensuite les guérir et les éliminer progressivement. La vie est en fait un processus de guérison constant et chacun passe par cette transformation à un moment ou à un autre de sa vie.
Oui, tout le monde.
Par défaut, le monde dans lequel nous vivons sépare notre vie personnelle de notre vie professionnelle. Avez-vous déjà réalisé à quel point la plupart d'entre nous sont fragmentés en plusieurs personnages dans les différents temps de notre vie? En fait, la société s'attend à ce que nous séparions vie personnelle et vie professionnelle comme si, dès que nous passons la porte "travail", nous devions mettre un habit masquant certaines composantes de notre moi pendant 8, 9, 10 heures ou plus chaque jour. Pour finalement revenir à ce que nous sommes au fond de nous une fois en dehors du travail. Ou pas.
J'ai beaucoup de respect pour le travail, j'ai appris tellement de choses par ce chemin, donc mon propos n'est pas de critiquer le fait de travailler et de se consacrer à donner le meilleur de soi-même dans une tâche, un projet ou une réalisation spécifique. C'est très satisfaisant pour un être humain tant que cela n’est pas conduit par l’ego et laisse l'être authentique respirer et vivre en nous pour qu'il s'épanouisse et se développe vers son plus haut potentiel.
Mais est-ce que c'est ce que nous faisons vraiment ? Est ce réellement ce qui est encouragé dans tous les environnements professionnels? Et sommes-nous véritablement épanouis à chaque instant de notre vie?
Pour combler cet écart (parfois ce grand écart), il est naturel de chercher à construire une certaine cohérence dans notre vie et j'ai observé que très souvent la meilleure réponse cohérente (meilleure dans le sens faisable) sera d'organiser la vie personnelle autour du travail. Et non l'inverse.
C’est à dire que le système tel qu'il fonctionne rend complexe et ardu le fait de partir de qui nous sommes profondément en tant qu'être humain pour, de là, déterminer ce que nous sommes venus accomplir au cours de notre vie sur terre et nous développer autour de cet objectif. Certaines personnes ont une vision très claire de leur rôle dès leur plus jeune âge, elles sont peu nombreuses. A l'inverse, depuis que nous sommes de jeunes enfants et alors que nous ne nous connaissons pas encore bien, on nous demande de vite savoir ce que nous voulons étudier ou le type de travail que nous voulons faire.
Combien de fois lors d'une rencontre avec une personne inconnue, la première question est : qu'est-ce que tu fais comme travail? La vie professionnelle est dorénavant un pilier central de notre vie qui fait partie de notre identité, nous nous définissons, nous reconnaissons et nous démarquons à travers ce pilier.
Pourtant, chacun de nous, nous sommes ce que nous sommes. Tout simplement.
Je suis ce que je suis
Cela peut prendre des années pour que je réalise, découvre, comprenne qui je suis vraiment : c'est ce qu'est le processus de guérison de la vie. Et ce joyau caché en nous se trouve derrière les peurs, il n'est pas accessible tant que nous n'avons pas travaillé dessus pour éclairer nos propres ombres. Voilà le vrai travail que la vie nous demande de réaliser, quelle que soit la forme que cela prend.
Alors que la partie professionnelle de la vie occupe une si grande part de notre vie, quand y explorons-nous nos propres peurs ?
Quand permettons-nous à l’être humain de plonger profondément en soi dans le cadre du travail alors qu'on nous demande de produire toujours plus de valeur ? Et de quelle valeur parle t-on?
Leaders RH: la vulnérabilité est-elle perçue comme une force ou une faiblesse dans l'organisation pour laquelle vous travaillez ? Et que faites-vous pour y remédier ?
Si c'est une force, très bien, vous pouvez l'exploiter et définir facilement des attentes communes pour aider chacun à se développer encore plus.
Si c'est une faiblesse, quand en avez-vous parlé pour la dernière fois à vos partenaires business, individuellement ou en équipe ? Quand allez-vous engager et influencer les dirigeants pour qu'ils mettent en place un mécanisme permettant d'accepter la vulnérabilité et d'en tirer parti ? Et comment proposez-vous de réconcilier vulnérabilité et performance (individuelle ou collective)?
Et d’ailleurs, comment résonnez vous personnellement avec la notion de vulnérabilité au travail?
Managers d’équipes: combien de fois avez-vous reconnu et encouragé la vulnérabilité au sein de votre équipe?
Dirigeants: combien de fois avez-vous accepté d’être perçu vulnérable et célébré cela comme une force?
Franchement, combien d'entre nous peuvent aujourd'hui prétendre être pleinement, complètement et totalement eux-mêmes à travers tous les aspects de leur vie ?
Combien d'entre nous prennent vraiment le temps et le courage d'explorer ces peurs intérieures, de comprendre leurs propres contradictions et de les accepter au lieu de fuir ce qui est laid ou inconfortable ?
Comme cette récente couverture de magazine montrant une personne travaillant à domicile, assise devant un écran en vidéoconférence, verre à la main: tout est propre et net pour ceux qui partagent sa vie à travers la vidéo et tout ce qui se trouve au-delà de la vidéo est désordonné, déstructuré voire sale. Une illustration claire de la fragmentation de l'humanité, et tout cela nourri par la peur du regard de l’autre, la volonté de maintenir ce qui semble parfait en apparence (l'est-ce vraiment en réalité?).
Nous sommes très souvent divisés entre ce que nous sommes au fond de nous et ce que nous voulons que les autres voient de nous. Le moins que l'on puisse dire, c'est que notre réalité intérieure est désordonnée, parfois déstructurée, à moins que nous ne consacrions de l'énergie, du temps et de la compassion à nous-mêmes pour nettoyer et améliorer notre intérieur. Cela demande un peu de courage mais en vaut bien le défi.
Car les peurs qui ne sont pas guéries nourrissent cette ombre unique qui demande à être dévoilée.
Combien de temps pensez-vous que tout cela est tenable ?
Combien de temps pouvons-nous, individuellement ou collectivement, prétendre que tout va bien, que nous avons trouvé les coupables de notre mauvais sort tout au long de l'année et qu'une fois nos problèmes réglés par des sauveurs extérieurs, tout sera rétabli ? Est-ce vraiment ce que nous pensons être la symbolique de l'année qui va bientôt se terminer ? En toute honnêteté ?
Comment pensons-nous pouvoir ne pas être divisés collectivement si en nous-mêmes, bien à l’intérieur, nous n’avons pas travaillé notre propre unité? L'un ne va pas sans l'autre et la bonne nouvelle est que nous avons en nous le pouvoir de guérir les fissures et les blessures et de recoller les morceaux.
Si les mots ci-dessus vous interpellent, je vous encourage à aller devant votre miroir préféré, à vous regarder droit dans les yeux et à prendre un moment pour plonger en vous et faire le point en toute intégrité afin de réfléchir à votre propre unité, à vos divisions intérieures et à vos peurs.
Avant même de penser à guérir celles de la société.
Prenez grand soin de vous.
Texte écrit de tout coeur avec compassion.
N'hésitez pas à partager vos commentaires, qui sont toujours les bienvenus.
"Shadows" d'ana branca sous licence CC BY-NC 2.0
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